mercredi 19 janvier 2011

Les Tunisiens vont-ils jeter l’eau du bain ?


Après les émeutes, les tunisiens se retrouvent maintenant en pleine révolution. Cette ouverture tellement désirée a besoin de se concrétiser dans des actes, et dans un gouvernement digne de ce nom. Rien n’est moins facile. 

Le jour où Ben Ali  quitte le pays par la volonté populaire, son premier ministre, Mohammed Ghannouchi, s’autoproclame président de la République. Il n’en a pas le droit, car la constitution donne ce rôle au président de l’Assemblée. Il décide alors de fonder un gouvernement de transition en nommant, sans même les avoir consultés, des membres de l’opposition à des ministères subalternes. Il annonce aussi l’organisation d’élections dans les six mois à venir (proposition identique à celle de son ancien patron).

Visiblement Monsieur Ghannouchi, qui a été dix ans au service de Ben Ali, reprend les mêmes méthodes que ce dernier. Face à la vindicte populaire et au départ de ses futurs ministres, ne vient-il pas de démissionner du parti présidentiel ? 

Pourquoi cette situation ? Tout simplement parce que les tunisiens n’ont pas fini leur révolution. Après avoir éliminé le bébé de la baignoire, ils n’ont pas encore jeté l’eau du bain. Il est clair que Mohammed Ghannouchi, sous un aspect tranquille et bonhomme, est quand même le premier serviteur de Ben Ali depuis 1999 ,et que quitter le pouvoir et ses avantages ne l’enthousiasme guère.
Les tunisiens n’ont pas fini, sans pour autant rentrer dans une chasse aux sorcières, de nettoyer l’ancien parti du mari de la coiffeuse. Et Ben Ali avait tellement muselé l’opposition du pays qu’aucune force politique n’a pu apparaître. Aujourd’hui les tunisiens sont seuls face à leur destin, et la seule force présente dans le pays sur laquelle ils peuvent compter c’est leur armée.

Mais en cette terre africaine l’armée présente toujours un salut mais aussi un danger. Combien de pays se sont vu libérés par les militaires sous l’enthousiasme populaire, tandis que l’un d’entre eux devenait en quelques mois un véritable dictateur ? 

Ce peuple intelligent, doux et sensible, possède en son sein un véritable atout : sa jeunesse. C’est elle qui va probablement indiquer le chemin si elle ne baisse pas les bras. Les tunisiens ne peuvent pas compter sur l’étranger pour l’instant : les voisins du Maghreb construisent un cordon sanitaire pour éviter la contagion, les européens et les américains (la présidence française en particulier) s’enfoncent dans un silence gêné vis-à-vis d’un pays qui ne possède pas de pétrole, les entreprises étrangères ne cherchant qu’à sauver leurs investissements. 

Les tunisiens sont donc seuls face à leur destin. Et si chaque vie fait son destin, comme l’écrivait Amiel, chaque pays fait de même.

Christian Gallo © Le Ficanas ®

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